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Baguettes, fourchettes et couteaux
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22 mai 2008

Délices de fougères

En flan, roulé, sautées... les jeunes crosses de fougères du printemps font le bonheur des Japonais.

Initiation à un mets délicat et périlleux avec un ancien cuisinier, Hara Hidetoshi.

Le 1er mai, les Français vont dans les bois cueillir le muguet. Les Japonais préfèrent y chercher les crosses de fougères qui sont pour eux un délice printanier. On ne les trouve qu'entre la fin avril et la mi-mai lorsque, le bourgeon à peine éclos, l'embryon de feuille encore enroulé sur lui-même entame sa croissance, seul en haut d'une tige droite d'une quinzaine de centimètres aisément repérable. On les appelle crosse d'évêque ou tête de violon.

Hara Hidetoshi, qui vit à Paris depuis 1965, connaît les espaces verts d'Ile-de-France mieux que la plupart des indi­gènes. Peu de Parisiens savent en effet trouver du wasabi sauvage, du gobo (bardane) ou du mitsuba (persil japonais) au bois de Boulogne. Il m'a emmené en forêt d'Ermenon­ville dans l'Oise chercher des fougères. Nul besoin de s'en­foncer profondément dans les bois, elles sont abondantes en lisière, jaillissant comme des baguettes de la litière de feuillages séchés. Deux variétés étaient disponibles Osmunda japonica à la crosse parfaite et Pteridium aqui­linum qui présente deux petits bras verts de part et d'autre du bourgeon central. Les deux sont comestibles mais périlleuses. Mon guide japonais a insisté à plusieurs reprises : il ne faut absolument pas manger les crosses de fougères crues. Elles contiennent une toxine naturelle non identifiée qui peut provoquer des intoxications. Pour l'élimi­ner, il les saupoudre de cendre de bois, les recouvre d'eau bouillante et les laisse tremper au minimum une heure mais de préférence toute une nuit. Abondamment lavées, elles devront cuire douze à quinze minutes quelle que soit la recette choisie. Hara m'en a préparé trois.

Foug_res

Le premier plat, zenmai no agemaki, est un rouleau de tofu frit fourré aux crosses de fougères (Osmunda japonica). Le rectangle de tofu est déplié en deux, saupoudré d'un peu de fécule et roulé autour d'un boudin de verdure de sous- bois soigneusement égoutté. Deux cure-dents tiennent l'en­semble qui va cuire un quart d'heure dans un fond de dashi (bouillon d'algue konbu, shitake et bonite séchée), de sauce soja avec un peu de mirin (saké sucré). Très intéressant avec l'amertume rappelant le goût de l'asperge sauvage.

Le deuxième, tchawan mushi, est un flan salé renversé. Dans un petit bol asiatique tapissé de papier film, Hara dis­pose quelques crosses et recouvre d'un appareil constitué d'un volume d'oeuf battu en omelette pour deux volumes de dashi. Il est mis à la vapeur jusqu'à coagulation totale. Démoulé sur une soucoupe, c'est d'une extraordinaire légèreté et j'aurais bien vu des pointes d'asperges vertes en lieu et place de la fougère.

Le dernier, warabi itamé, est un sauté de Pteridium aquilinum à la saucisse de Francfort, coupée en rondelles, bouillies et mises à la cocotte avec le légume, de l'ail râpé, dashi et sauce soja. Surprise, le tout a le goût des haricots verts mijotés au fond blanc avec des lardons qui auraient ici opportunément remplacé la francfort ! Aujourd'hui la sai­son est finie. Il faudra attendre un an pour goûter à ces délices. Merci monsieur Hara Hidetoshi.

LE MONDE 17 MAI 200 - JP Gene

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